Aujourd’hui je ne vous parlerai pas d’animaux, mais de leur biotope, qui est aussi notre milieu de vie naturel.
Je parcours les forêts domaniales de Montagny depuis plus de 40 ans, à pied, à cheval, avec mes chiens ou en solitaire, de jour et de nuit. Qui connait ces forêt d’avant et s'y promène aujourd’hui a tôt fait de remarquer que quelque chose a changé. Il n’est en effet plus possible de faire une promenade à l’ombre, qui n’est présente que sur des tronçons de plus en plus limités. Il n’est plus possible non plus de prendre des chemins de biches ou des chemins de traverse et pour cause : ils ont presque tous disparu ou ont été rendus impraticables.
Fini les grands arbres centenaires ombrageant les chemins, les zones humides et marécageuses des côtes de Léchelles et de Grand Chemin, les chemins cahoteux conduisant au cœur des domaines, les centaines de petits biotopes naturels, la paix et l’harmonie, fini les forêts jardinées, l’heure est au rendement. Les petits chemins de terre, lorsqu’ils survivent, sont défoncés par des machines plus grandes que des maisons, laissant derrière elles des ornières où l'on enfonce jusqu’au mollet. Une nouvelle manière de travailler la forêt et née : la destroitation, alliant destruction massive et exploitation.
A Bruyère par exemple, la première chose qui frappe est la place de pique-nique. Enfin... ce serait plus juste de dire la disparition de la place de pique-nique. Il y avait un petit foyer, des souches disposées tout autour, des aiguilles de pin et de sapin en tapis, divers bosquets, une ambiance bienveillante qui nous ouvrait les bras, une porte accueillante du domaine de Bruyère qui ouvrait sur les sentiers de champignoneurs rayonnant tout autour.
Aujourd’hui les souches ne sont plus visibles, le foyer non plus. Ils ont été recouverts par des amas de branches en fatras, une méchante surface impénétrable et repoussante. A droite il y a une zone de dépôt de souches et, un peu plus haut sur le chemin qui monte assez raide, un amas de déchets forestiers comme il en pousse partout dans nos forêts. Les amas sont broyés en hiver, quand diverses espèces pour lesquelles ils ont été créés y ont trouvé abri. Logique.
Les coupes à l’hectare sont
rapides et particulièrement destructrices, toutes les espèces végétales y
passent. Le sol est rapidement jonché de tonnes de déchets végétaux
impénétrables à pied. Il est asséché en surface car il n’y a plus d’ombre ni de
filtration de l’eau par les arbres. Les zones humides caractéristiques de ces
forêts sont en disparition, et avec eux les points d'eau des espèces
sauvages. La multiplication rapide d’insectes et de petits rongeurs est
favorisée, ce qui est en soi positif. Mais les tiques se sont
elles-aussi multipliées et atteignent des concentrations que je n’avais jamais
observées auparavant. Il est impératif de se balader les jambes couvertes et
sprayées avec des répulsifs, même si vous restez sur les chemins principaux.
Les sentiers qui faisaient le charme de ces forêts sont devenus impraticables,
on se tord les pieds sur les branches grossières restées au sol et les ronces
vous déchirent les habits et la peau. Les zones de coupe sont replantées à l’hectare en mono- ou biculture,
nettoyées épisodiquement à l’aide de machines. Lorsque la saison est clémente et que
nos chiens sont en laisse pour ne pas déranger la faune, on entend le
bruit caractéristique des débroussailleuses et des tronçonneuses. Logique.
Oh j’allais oublier ! il y a aussi la "transamazonienne », la nouvelle route de destroitation qui a saigné Bruyère d'un grand coup de couteau aveugle. Bien calés dans leurs fauteuils, sans avoir jamais posé un pied dans cet endroit, ces messieurs des bureaux ont tracé un beau trait à travers les nurseries, les sources, les petits ruisseaux et les zones humides. Les travaux ont bien sûr été ralentis par l’eau, et les promeneurs amusés ont pu observer les nombreux colloques avec ces beaux messieurs des bureaux qui avaient sorti leurs bottes de caoutchouc bien propres pour l’occasion. Pas de soucis, on a comblé toute cette humidité par des tonnes de pierres et d’une substance blanche indéterminée, et tapissé les bords de cette plaie béante avec l’argile grasse qui était sous la couche végétale. La mousse et les espèces locales ont été remplacée pa rien, c’est à dire bientôt par des ronces qui bourgeonneront sur cette vilaine cicatrice. La gouille de Montagny est régulièrement à sec, et on prend bien soin de la remplir depuis le bord avec les roseaux coupés, sans oublier de la labourer à ras dans la zone de roseaux.
La route d’accès à Bruyère, détruite par les travaux de la transamazonienne puis réparée, ne supporte pas le passage répété des machines et des camions; elle est à nouveau parsemée d'ornières. Un avantage toutefois : les travaux ont laissé de nombreuses places de parc où, si l’on compare aux autres forêts domaniales de Montagny, vous pouvez parquer sans vous retrouver les pieds dans la boue.
Bravo ces messieurs et Madame de l'État, on vit une période formidable.
Cela dit, si les arbres reculent de part et d’autre des chemins, les balades sont agréables en hiver et à mi saison si vous
restez sur les grands axes, pour autant que ce soit une période sèche. Sinon, munissez vous de bonnes chaussures étanches.
Attention aux
vélos, en particulier au vélos électriques qui circulent sans phares et sans
bruit à grande vitesse … si c’est vingt à l’heure, je m’appelle Arthur.
Mais ne les mettons pas tous dans le même panier, il y en a de très sympas,
certains freinent lorsqu’ils passent à côté de vous en vous disant
bonjour, parfois même avec le sourire. Merci ;-)